Tiré de « La Lumière du Chemin », Isha Schwaller de Lubicz.L’origine de Noël, en tant que fête de la nativité, est de longtemps antérieure à notre ère chrétienne. Le Noël chrétien n’exista que très tardivement, l’Eglise primitive n’ayant jamais donné la date de naissance de son Enfant-Dieu. L’usage s’établit peu à peu, chez les chrétiens d’Orient, de la célébrer le 6 janvier. Ce ne fut qu’au IV siècle que l’Eglise d’Occident en reporta la date au 25 décembre, pour supplanter la fête païenne de la naissance du Soleil, condamné par le pape Léon-le-Grand.Le symbolisme solaire du Noël christique a une signification qui lui est toute particulière : C’est l’entrée du Soleil dans un nouveau signe zodiacal, celui des Poissons, qui caractérise toute l’ère chrétienne. C’est le début d’un nouveau cycle, une nouvelle phase de l’Harmonie cosmique.En effet l’enseignement de Jésus révèle et publie la possibilité de la Rédemption.Noël c’est l’avènement du premier-né d’un nouveau Temps où l’Adam déchu de sa royauté, la retrouve dans la naissance qui relie le Ciel et la Terre.Six mois avant Noël, alors que la lumière solaire prépare sa descente progressive dans les ténèbres, où elle va gester le germe conçu par la Vierge au printemps, Jean-Baptiste le Précurseur naît d’une femme stérile dans une montagne stérile de Judée. Jean, précurseur de la Lumière qui geste encore dans les Ténèbres, témoin prédestiné dès sa naissance puisque la visite de la Vierge l’avait empli de l’Esprit-Saint dans le ventre de sa mère.Le précurseur croissait dans les déserts et s’y fortifiait en Esprit pour pouvoir, dans l’eau du Jourdain, séparer le pur de l’impur dans tout être qui s’y laisserait immerger.Car Jean-Baptiste est le Verbe précurseur du Verbe Christique. Sa présence en l’eau du Jourdain arrosant le désert montagneux « abaisse les collines et comble les vallées », afin qu’il n’y ait plus opposition ni division de Haut et Bas, mais « que soit aplani le chemin du Seigneur », et que la terre « unifiée » s’ouvre et germe le salut.Et le germe sauveur, gesté dans les ténèbres, sort des ténèbres en la nuit de Noël, alors que le Soleil parvenu au plus bas de sa course annonce par sa remontée le renouveau de la lumière. L’Enfant divin est né parmi le fumier de l’étable où se nourrissent les animaux. Entouré par le bœuf châtré et par un âne gris, ancêtre de celui qui sera plus tard son porteur pour le conduire au Temple sous les palmes entrecroisées… Noël… Pourquoi les anges, messagers de la Lumière d’En-Haut, sont-ils descendus dans la nuit de la Terre, réveillant les gardiens du troupeau du Bélier, sinon pour annoncer la naissance d’un Médiateur entre le Ciel inaccessible et le troupeau humain, assoupi dans l’attente d’un nouveau feu ?Agni, l’agneau, Feu du Ciel ranimant celui du Bélier épuisé… l’agneau, fils du Bélier… Jésus, fils de David, le pasteur des brebis…L’Agneau, conçu six mois après son Précurseur, sera baptisé par lui dans les eaux du Jourdain. Alors Jésus, nouveau pasteur, ayant séjourné quarante jours au désert, ira choisir, pour paître ses brebis, des pêcheurs de poissons.Dans la grande horloge du Ciel un tour de cadran zodiacal s’accomplit; il y a deux mille ans, le Soleil, quittant la région caractérisée par la constellation du Bélier, entrait sous la domination du lieu céleste délimité par la constellation des Poissons.Dans le symbolisme zodiacal qui exprime les influences typiques de chaque « signe », celui des Poissons est un signe double, son influence sur notre Humanité terrestre a été un mouvement de dualisme qui a caractérisé toute l’ère chrétienne, formant la mentalité analytique, la pensée dialectique, en science comme en théologie. Et ce fut l’ère des conflits entre les opinions contradictoires, entre matérialisme et spiritualisme entre la croyance obligatoire et la « libre pensée »; ce fut la rivalité des doctrines, où chaque religion prétendait imposer aux masses sa foi particulière.Or, voici que notre destin, subissant l’influence des lieux célestes, nous entraîne dans une nouvelle aventure, car l’heure est venue de l’entrée du Soleil dans une autre région (désignée par le signe du Verseau), et tel passage d’un signe à un autre est toujours pour l’Humanité une aventure déconcertante : c’est un rythme différent, une impulsion nouvelle, auxquels nous devons adapter notre comportement sous peine de rester désemparés.Le signe du Verseau, dont nous commençons à ressentir l’influence, incite irrésistiblement à l’individualisme; même les peuples et les races subissent les contre coups de cette incitation, qu’ils expriment par une volonté subite d’indépendance. Et quoique l’instinct grégaire de la masse continue à grouper les hommes en partis, politiques, sociaux ou religieux, un sens critique se développe chez l’individu comme une révolte instinctive contre les doctrines comminatoires.Cette orientation nouvelle, que la masse subit comme un courant d’opposition à des concepts surannés, les êtres plus conscients la ressentent comme une impérieuse nécessité d’engager leur responsabilité personnelle dans le choix de leurs directives et de leurs expériences.Mais ce choix nécessite la connaissance des divers états de conscience de notre être, et de leurs rapports avec les influences cosmiques de notre Temps.De même qu’au printemps l’appel à la fécondation suscite cette fonction dans les règnes végétal et animal, de même en la saison précessionnique des Poissons l’Harmonie cosmique appela le développement du Mental humain; de même, en la saison précessionnique du Verseau, ce nouvel accord de l’Harmonie cosmique suscite en l’homme terrestre le réveil de sa conscience primitive instinctive.Et cette influence est corroborée par une réaction à l’exagération de notre développement cérébral. Le Mental s’est interposé entre notre instinct et son sur-développement intuitif, les dominant jusqu’à les obnubiler. Or les progrès excessifs de la science rationnelle ont démontré son impuissance à résoudre les problèmes de l’homme, qui, pour trouver leur solution, sera forcé de réveiller ses facultés de contact direct avec la nature, pour pouvoir ensuite éveiller ses facultés intuitives. Et de même que l’activation des facultés mentales développa une intense curiosité cérébrale, de même l’incitation actuelle à l’éveil de Conscience commence à susciter la quête individuelle de la Connaissance. Et c’est ici que Maître Jacques va jouer un rôle prépondérant, car cette recherche individuelle nécessite l’intervention constante du Témoin permanent, sous peine de se laisser tromper par des conceptions mentales erronées.J’ai longtemps confondu la «Conscience intuitive» avec ce qu’on appelle «Conscience cérébrale».La Conscience est un état d’identification. «Prendre conscience» de quoi que ce soit c’est reconnaître en soi cette identification : c’est l’éprouver. L’artisan qui s’identifie à la matière qu’il travaille en éprouve en lui-même la nature et les réactions : il en «devient conscient» ; de même le dompteur éprouve les réactions du fauve. C’est en chaque cas le réveil de la conscience instinctive ; dans un mode plus subtil ce sera l’éveil de nos facultés intuitives dont l’exercice crée en nous l’état intuitif.Une telle conscience par identification est indiscutable tant que la conscience cérébrale n’intervient que pour la constater. C’est pourquoi la recherche individuelle de la Connaissance nécessite l’asservissement du Mental, qui ne doit jouer qu’un rôle de transcripteur.La liberté de recherche individuelle ne peut pas être confondue avec la «libre pensée» du dialecticien rationaliste.En aucune façon la logique rationnelle n’est conforme à la logique vitale, parce qu’elle veut ignorer (comme étant irrationnelles) les fonctions mystérieuses de l’Esprit dans la Nature. Ces fonctions mystérieuses, inhérentes aux lois de l’Harmonie cosmique, ont été, à chaque grande époque de l’Humanité, enseignées sous forme de symboles, qui n’ont initié que ceux-là « qui avaient des oreilles pour entendre ». Pour les autres, ces symboles sont devenus des mythes historiques ou des récits humanisés, sur lesquels chaque religion a élaboré (pour légitimer son pouvoir) des dogmes et des lois conformes à son interprétation particulière de la Révélation initiale.Est-il nécessaire de chercher la Sagesse à travers les textes sacrés des Temps passés ?C’est une étude fructueuse, lorsqu’elle est faite sur des traductions véridiques et non sur des interprétations arbitraires ; c’est pourquoi le symbole est le meilleur gardien de l’intention de l’initiateur. Mais les êtres qui ont cultivé l’Intelligence du Coeur sauront y déchiffrer ce qui convient à leur Temps ; par exemple dans l’Evangile, les paroles de Jésus à la Samaritaine qui sont l’enseignement opportun pour « le Temps qui viendra » (notre Temps actuel).Faut-il penser qu’il était réservé pour ce Temps ?Nullement : la révélation de Réalités fondamentales est universelle, donc valable pour tous les temps ; pour ceux qui sont disposés à l’entendre, ce «Temps est déjà venu». Or, l’Humanité entre maintenant dans une phase où son Elite sera susceptible de la recevoir ; c’est cela qui est sous-entendu par «le Temps qui viendra». Avec ce que nous avons vu des impulsions données par l’ère du Verseau, le double précepte enseigné à la Samaritaine devient d’une évidente opportunité ; c’est le nouveau devoir de « connaître ce qu’on adore », et de « l’adorer en Esprit et en Vérité ». Ce n’est plus la soumission à une croyance imposée sous la responsabilité de ceux qui guident le troupeau : c’est la Connaissance acquise par l’expérience individuelle d’une re-naissance effective, celle de notre double Elément d’immortalité, notre Esprit qui est notre Témoin spirituel, et notre Vérité qui est notre Témoin permanent. Car c’est cela le nouveau sens de Noël pour l’ère du Verseau : c’est l’avènement d’une époque favorable à cette re-naissance et au développement de nos possibilités sur-humaines.Ce Noël n’est plus une fête particulière à une religion : c’est un évènement cosmique intéressant toute l’Elite de l’Humanité.Tu as raison ; cependant nous devons constater que le principe du Christ incarné – dont la réalisation dans les hommes conscients est leur rédemption – a été particulièrement enseigné par le Nouveau Testament judéo-chrétien. Il est vrai que nous retrouvons en Egypte le principe de l’Horus rédempteur «issu des membres humains», il est vrai que le Bouddha a donné l’exemple et les moyens de la réintégration spirituelle ; il n’en est pas moins vrai que l’enseignement de ces Réalités fut chaque fois exprimé dans le mode qui répondait à l’état de conscience de l’Humanité, état d’ailleurs commandé par le Ciel.Or, il en fut ainsi pour la Révélation christique, dont le symbolisme humain, d’une part, s’adaptait à la mentalité judaïque, de même que Jésus appuyait sa légitimité messianique sur les prophètes d’Israël. Mais d’autre part son enseignement était nouveau par rapport à la Loi terrestre de Moïse : il annonçait une «Nouvelle Alliance» du Divin avec l’Humain pour l’oeuvre rédemptrice dont le Principe Christique était la clé. L’exotérisme de cette Révélation apportait à l’Eglise chrétienne une loi morale d’amour, de fraternité altruiste, et de simplicité opposée à la complexité cérébrale. Ce programme, comme vous le voyez, était l’antidote pour obvier aux aspects néfastes de l’influence des Poissons. Mais lorsqu’on voit comment cette pure mystique fut rationalisée par un dogmatisme coercitif, on ne s’étonne plus que la «pierre» sur laquelle sera bâtie l’Eglise ait été le même Pierre auquel Jésus fit le reproche de «ne point comprendre les choses de Dieu, mais seulement celles des hommes» (Marc, 8, 33). Quant à l’ésotérisme de cette Révélation, il a été donné essentiellement dans les récits de la Passion de Jésus ; or, dans cette Passion, c’est à Pierre qu’est attribué le rôle du reniement ; et c’est Jean (et non le chef de la future Eglise) qui assiste Jésus à la crucifixion. Autrement dit : Pierre (fortement attaché à la Loi judaïque) fut le représentant du Messie «fils de David» pour l’ère matérialiste des Poissons, tandis que Jean reçut le testament spirituel de Jésus-Christ Rédempteur, pour son futur avènement : «Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne…», dit Jésus à Pierre en parlant de Jean ; «jusqu’à ce que je vienne», c’est-à-dire jusqu’au Temps futur – notre Temps actuel – dernier Temps de la réalisation christique dans l’Humanité.Mais le plus incroyable pour moi c’est qu’on puisse baser sa foi sur des récits dont l’authenticité est sujette à caution !Que m’importe la réalité historique d’évènements dont le moindre épisode est un enseignement symbolique ?Ce qui m’étonne, moi, c’est qu’ayant constaté le fait patent de la persistance du Christianisme malgré les fautes de ses chefs, vous n’en ayez pas cherché l’explication dans une cause indépendante du comportement des hommes.Si ce comportement fut influencé par les caractéristiques du lieu céleste qui dominait pendant l’ère des Poissons, l’enseignement christique apportait en même temps les directives nécessaires pour compenser le mauvais aspect de cette influence.Or, le Satan mental et dualisateur de Maître Pierre n’était que l’expression d’une force fatale : un rythme naturel, le rythme d’un nouveau Temps, comme nous en subissons un autre aujourd’hui ; tandis que l’impulsion compensatrice émanait d’une force consciente, une Conscience divine, qui apportait les moyens de sortir de ce piège infernal pour les hommes prédisposés ; les moyens, c’est-à-dire : l’affirmation de leur destinée surhumaine, la voie qui les y conduirait, et un nouvel influx spirituel.Cette manifestation périodique de la Sagesse providentielle se traduit toujours par un enseignement symbolique adapté à la nécessité du Temps ; cet enseignement devient révélation pour les êtres qui «entendent» son sens initiatique ; mais il se transforme en ferments de discordes pour les meneurs sectaires et pour les «Docteurs de la Loi». Ce double effet est inhérent à la dualité de l’être humain : ce qui est «esprit» s’accorde avec la réalité vitale du symbole ; ce qui est mental se délecte à l’interprétation de la «lettre». Et ceci suffit pour comprendre les fruits de Lumière ou d’erreur de l’enseignement évangélique.Mais l’oeuvre évangélique devait-elle comporter un aspect «politique» ?Là est le point critique ; son fondateur lui-même a répondu : «Mon royaume n’est pas de ce Monde.» Mais le Monde donne la masse… Or, il a dit aussi : «Je ne suis pas venu pour le Monde, mais pour ceux qui ne sont pas de ce Monde…»Pourquoi ne faites-vous pas état de la personnalité de ce fondateur ?La position de Rédempteur, qui lui est imposée par le dogme chrétien, situe le Christ en dehors du Temps et de l’Espace. Quant aux épisodes de la vie de Jésus relatés dans les Evangiles, ils sont l’image typique de l’évolution spirituelle vers le surhumain, évolution poussée jusqu’à la Réalisation christique, prêchée par saint Paul comme étant le suprême but du chrétien : «… jusqu’à ce que vous ayez formé Christ en Vous» (Paul, Galates, 4, 19).Suivons attentivement les étapes de cette évolution.A douze ans, dans le Temple de Jérusalem, Jésus manifeste sa conscience précoce par ses questions et ses réponses aux Docteurs de la Loi. De même dans le Temple égyptien on situait à l’âge de douze ans la première manifestation du Principe pharaonique, parce que, pour l’Homme royal qu’il représentait, cet âge était considéré comme la première étape de son accomplissement : l’intégration de son ka immortel, c’est-à-dire de son Témoin permanent, dont la présence se manifestait par son discernement. Le baptême par Jean-Baptiste dans l’eau du Jourdain marque une deuxième étape : alors que Jésus sort de l’eau, l’Esprit descend sur lui « comme une colombe». C’est une belle image de son Témoin spirituel qui vient « l’obombrer » et l’inspirer pour sa mission. «Et l’Esprit le pousse au désert…» où sa «Conscience Humaine», constatant ses nouveaux pouvoirs, subit et repousse la tentation de s’en servir pour sa domination personnelle.Comment, si Jésus était Dieu dès sa naissance, sa « Conscience Humaine » pouvait subir la tentation ?Je n’ai pas à m’en soucier pour l’instant. Je ne met pas ici en question le dogme de la conception virginale d’un Enfant-Dieu, pas plus que la réalité historique de Jésus. Je regarde les évènements spirituels de sa vie, relatés par les Evangiles, et je constate leur évolution progressive ; et le fait qu’il s’agit d’une progression vers l’état christique définitif est mis en valeur par les Evangiles puisque, jusqu’à son accomplissement (jusqu’à sa Passion), Jésus interdit formellement à ses disciples de dire qu’il était le Christ. Tout se passe comme s’il s’agissait d’un être prédestiné par sa réalisation spirituelle et réincarné pour l’accomplissement de sa perfection christique, par laquelle il devient Médiateur entre le Divin et l’Humain. Alors je n’ai pas à me soucier de son authenticité historique : le symbolisme de son enseignement correspond intégralement à la réalité d’une telle évolution, et la sagesse de son expression lui donne une valeur initiatique dépassant de beaucoup un récit historique. L’intérêt de ce développement réside, d’une part, dans la progression des étapes de la Réintégration, d’autre part dans l’enseignement (voilé) des deux aspects de l’ «âme-Entité» (pour Jésus comme pour les hommes) : l’esprit et l’âme correspondant respectivement au Témoin spirituel et au Témoin permanent. Le rôle de la «Conscience Humaine» y est nettement perceptible, par exemple dans l’épisode des trois tentations, car elles ne pouvaient affecter que cette conscience.Les deux éléments divins de l’âme ne peuvent pas être «tentés». Mais pourquoi ces réalités si importantes ne sont-elles pas enseignées explicitement ?Elles l’ont toujours été, mais symboliquement. Les épreuves initiatiques des «mystères» antiques révélaient expérimentalement la différence entre la «Conscience Humaine» et les deux aspects de l’âme divine.Les Maîtres du yoga hindou l’enseignent également dans leur méthode de «Réintégration spirituelle».Avec un peu d’attention vous en retrouverez les indices dans le symbolisme évangélique, et cette «Réintégration» n’est pas autre chose que la Réalisation Christique, laquelle, dans l’Evangile, est poussée jusqu’à son ultime accomplissement. Mais de même que les méthodes hindoues et le mythe égyptien expriment plusieurs points de vue que se complémentent sans se contredire, de même les quatre Evangiles expriment quatre aspects d’une unique Réalité (ce qui est d’ailleurs souligné par les quatre animaux symboliques attribués aux quatre évangélistes). Ne dispersez pas votre attention, mais concentrez la sur ce qui nous intéresse spécialement aujourd’hui, c’est-à-dire sur les étapes progressives de la Réalisation Christique. Remarquons d’abord que (d’après Matthieu) Jean-Baptiste refusa de baptiser Jésus, celui-ci l’exigea, car dit-il, «il nous convient d’accomplir tout ce qui est juste» (Matthieu, 3, 14-15). Autrement dit : celui qui devait plus tard «baptiser d’Esprit» (quand il le serait lui-même devenu) devait d’abord être baptisé par son précurseur (Jean-Baptiste, symbole du Témoin permanent).Ce n’est qu’après sa tentation, après la soumission de sa «Conscience Humaine», que Jésus va pouvoir choisir ses disciples et entreprendre sa mission. Alors ses miracles témoigneront de sa puissance surhumaine sur les forces inférieures : démoniaques, humaines, terrestres.Un peu plus tard un nouveau phénomène manifeste une étape supérieure : sa transfiguration «au sommet d’une montagne», en présence des trois disciples, Pierre, Jacques et Jean. Son visage « parut tout autre », resplendissant comme le soleil, «et ses habits devinrent blancs et resplendissants comme un éclair» (Matthieu, 17, 2 ; Luc, 9, 29-31).Il est évident, n’est-ce pas, que cette transfiguration exprime son illumination par son propre Esprit de Lumière : son Témoin spirituel. Cependant, auprès de Jésus, apparaissent deux compagnons «qui s’entretiennent avec lui de sa mort prochaine».Pierre, alourdi par le sommeil, reconnaît Moïse et Elie, mais, dit encore l’Evangile, il ne savait pas ce qu’il disait »…Ne peut-on penser que Pierre, Jacques et Jean représentent la projection, dans l’Humain «somnolent», de la triplicité lumineuse qui, sous le symbole de Moïse-Elie-Jésus, fait de Jésus le «Seigneur» ?Ne crains pas de le dire, car ayant saisi cela tu as compris le sens du Maître : l’homme dont la « Conscience Humaine » est surhumanisé, dont Maître Jacques arbitre les conflits, dont la Conscience divine connaît sa prochaine Passion et sa mort, qu’il peut envisager de sang-froid parce qu’il a en lui le germe de résurrection. Et maintenant que tu as dévoilé le sens profond de cette image, observe les détails qui le confirmeront ; mets en parallèle les deux triplicités :Moïse-Elie-Jésus,Pierre-Jacques-Jean,Mais en remarquant l’état spirituel de la première et la caractère humain de la seconde. Cette différence établie, tu peux situer Jésus (dans la première triade) comme illuminé par son Témoin spirituel, de même que Jean (dans la deuxième) symbolise le Témoin spirituel ; de même Elie et Jacques symbolisent l’âme, c’est-à-dire le Témoin permanent ; de même Moïse (qui n’entre pas dans la Terre promise) et Pierre (avec ses défaillances) sont une belle image de la «Conscience Humaine». Quant au Témoin permanent, je dis qu’il est représenté par Elie et par Jacques ; pour Elie remarquez que Jésus insiste ailleurs sur le fait que Jean-Baptiste «est cet Elie» qui devait venir avant la révélation du Messie ; or, il affirme ici «qu’il est déjà venu» ; évidemment le Baptiseur devait précéder la Transfiguration.Dans la triplicité humaine, le Témoin permanent est représenté par Jacques, frère de Jean dont l’Esprit est le Témoin spirituel de l’initié. Or, ces deux disciples, Jacques et Jean, sont appelés «les fils du tonnerre» : ne sont-ils pas, en effet, «tombés du ciel» ? Ne sont-ils pas les deux aspects d’une Entité céleste ?Je n’invente rien : je mets seulement en relief des précisions sur lesquelles insiste l’Evangile.Maintenant nous allons retrouver la même triplicité humaine, Pierre-Jacques-Jean, dans la scène de l’agonie au Jardin des Oliviers, mais nous n’y voyons plus la triplicité lumineuse ; en effet, dans cette grande épreuve, Jésus semble d’abord désemparé, « saisi de frayeur et fort agité » (selon Marc, 14, 33). Il est même si dénué de forces spirituelles que, par trois fois, il vient chercher de l’aide auprès des trois disciples… mais ceux-ci étaient trop somnolents pour pouvoir l’assister ! C’est alors que dans l’excès de son dénuement Jésus trouva le courage de se dépasser.Pourquoi parle-t-on ici d’agonie ?Précisément parce que Jésus paraît abandonné de son âme divine, sans quoi il ne subirait pas les affres de la «Conscience Humaine» qui se cabre devant les souffrances prochaines : «Père s’il est possible, que ce calice s’éloigne de moi !» (Marc, 14, 36 ; Luc, 22, 42)Or, il faut remarquer que, même après l’étape de la Transfiguration, Jésus avait averti ses disciples «qu’il devait encore être baptiser d’un autre baptême» (Luc, 12, 50). Qu’est-ce qu’un baptême sinon une régénération. Etre baptisé, c’est recevoir un nouvel influx de vie qui engendre un état supérieur à l’état précédent.Le baptême d’eau (Jean-Baptiste) était un baptême de «purification» destiné à mettre en contact l’être animal-humain avec son âme (son Témoin permanent), qui peut rectifier la « Conscience Humaine » et lui montrer son but. C’était le rôle du précurseur.Le second baptême est l’influx de l’Esprit (le Témoin spirituel) symbolisé par la Transfiguration. Le troisième (le nouveau baptême attendu par Jésus) sera la réunion de l’âme et de l’Esprit qui ne pourront se conjoindre définitivement que lorsque seront épuisées la cause et les conséquences de leur séparation dans cette incarnation. Ceci est le sens de la «purification de la chair et du sang» (c’est-à-dire la nature animale) symbolisée par les épreuves de l’agonie (la sueur de sang) et de la Passion. Comprenez bien la signification de cette agonie : l’état douloureux de la personne physique et psychique, isolée momentanément de son âme et de son esprit parce que ceux-ci attendent, pour se manifester, le renoncement de la «personne» à l’existence terrestre et l’abnégation totale de la «Conscience Humaine» par son confondement avec son Témoin permanent : «Que Ta volonté soit faite et non la mienne !» Alors seulement se manifeste «l’ange» (son entité divine) qui vient le fortifier ; c’est l’état surhumain, atteint par le dépassement de la nature humaine. Cependant l’épreuve ne sera terminée qu’à la crucifixion. Or, écoutez, à ce moment suprême, les dernières paroles qui révèlent les deux Témoins ; d’abord Jésus s’attriste du départ de son âme (son Témoin permanent) : «Elie, Elie, pourquoi m’as-tu abandonné ?» (Matthieu, 27, 46, 47) Et pour que ce symbole soit précisé, l’Evangile le fait répéter par un assistant : «Il appelle Elie» (dit un soldat). Ensuite, avant d’expirer : «Père, dit Jésus, je remets mon Esprit entre tes mains.» (Luc, 23, 46) Alors tout est accompli, car le Témoin spirituel de Jésus attendra, «auprès du Père», le Témoin permanent, l’âme, qui, selon la tradition canonique, «descendit aux enfers» pour trois jours.Ce séjour «aux enfers» signifie sans doute la purification du témoin permanent ?Evidemment, il doit se détacher de ce que le symbolisme égyptien appelle «les poussières de la Terre et la soif d’exister». Or, Jésus avait expliqué par avance le caractère et la nécessité des épreuves de la Passion : «Le Fils de l’homme, dit-il, devait souffrir, être renié et méprisé.» Autrement dit, la dernière étape de la Réalisation Christique nécessite le dépassement de l’Humain, puis du surhumain, par l’élimination de toute particularisation et par identification avec le Divin impersonnel (la «volonté du Père»). Alors seulement Christ pourra «remonter à la droite du Père». Mais comprenez bien que ce retour «à la droite du Père» n’est pas une annihilation «dans le Père», mais un état actif dans l’Humain et par la conjonction des deux Témoins.C’est donc en cela que consiste la « méditation » du Christ, méditation possible par sa participation à l’Humain et au Divin ?Effectivement, et ce retour, qui est la « glorification » du Christ, est situé par la liturgie quarante jours après Pâques, en la fête de l’Ascension. Or, ce qui se passe entre la résurrection et l’ascension vaut la peine d’être considéré attentivement : Les premières paroles de Jésus ressuscité s’adressent à Marie-Madeleine (qui ne reconnaît pas sa forme humaine…) : «Ne me touche pas, lui dit-il, car je ne suis pas encore monté vers mon Père…» Donc l’Esprit de Jésus n’était pas encore réintégré. Mais aussitôt il ajouta : «Va vers mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.» (Jean, 20,17). Et lorsque plus tard Il apparaît à ses apôtres, devenu Christ par sa réintégration totale, Il affirme son accomplissement et le pouvoir qui en résulte, pouvoir non plus surhumain mais divin : «Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre.» (Matthieu, 27, 1CoolIl n’y a pas de confusion entre l’aspect métaphysique du Fils, deuxième personne de la Trinité, et Jésus dont on relate l’initiation christique, dont le Père divin est aussi notre Père, Jésus «envoyé» par son père… comme Il envoie ses apôtres dans le Monde, Jésus Fils de Dieu (selon sa propre parole «comme tous ceux qui accomplissent la volonté de Dieu» (Jean, 10, 34))…Votre remarque est confirmée par la parole de Jésus : «Mon Père est plus grand que moi» ; car il est évident que ce «moi» se rapporte à l’être encore perfectible de Jésus et non au «Fils» de la Suprême Trinité, puisque le dogme catholique affirme l’égalité absolue de ses trois Personnes divines ! C’est le mot «Père» qui a crée la confusion. Entre le Principe du Divin Absolu nommé Père dans le dogme chrétien de la Trinité essentielle d’une part, et d’autre part «Notre Père qui es aux cieux», il y a la même différence qu’entre «l’inconcevable» et le «concevable», différence non pas «en soi», mais dans la manière de le considérer.Lorsque je m’adresse au «Père qui es aux cieux», je situe une Puissance dans un état d’être supérieur au mien ; ceci n’est pas une hérésie si je ne confonds pas la Puissance que j’implore avec l’inaccessible et l’innommable Absolu et si, d’autre part, je n’attribue pas au «Père» une existence personnelle, mais que je Le conçoive comme la Cause active originelle d’où émane tout ce qui vit. Alors Il est le «Dieu vivant», dont la «Volonté» est l’Harmonie cosmique et le retour à l’Unité de ce qui a été dualisé, et dont chaque âme-Entité est «le Fils». Mais chaque âme-Entité incarnée dans l’Humain doit «porter sa croix» à l’instar de Jésus, c’est-à-dire suivre les étapes de la «christification». C’est cela l’enseignement évangélique ; et vous en trouvez une confirmation dans l’assertion de saint Paul : «Jésus a été situé pour un peu de temps au-dessous des anges» (Paul aux Hébreux, 2, 9), parole compréhensible si l’on entend par «anges» les Entités célestes dont les deux aspects complémentaires ne sont pas séparés, tandis qu’ils le sont dans l’état humain de Jésus.Beaucoup de choses se clarifient si l’on prend pour fil conducteur la constitution réelle de l’être humain. Je comprends l’enseignement par le symbole, mais pourquoi refuser, de parti pris, une réalité historique aux récits de l’Evangile ?Je ne la refuse pas : je ne m’en soucie point.Si tu veux éplucher la vie humaine de Jésus, tu te heurteras d’une part aux divergences des quatre Evangiles (à commencer par les données contradictoires de ses deux généalogies, selon Luc et selon Matthieu) ; d’autre part au silence total qui enveloppe les années écoulées entre la première manifestation de sa «Conscience» dans le Temple de Jérusalem et son baptême par Jean-Baptiste. Les légendes qui lui attribent une initiation essénienne ou égyptienne restent dans le domaine des hypothèses. Et que m’importe, à moi, qu’il ait été instruit par des Sages ou par sa propre révélation ?… Que m’importe même l’identité du personnage humain qui lui est attribué ? Une chose est certaine : on a écrit, ou fait écrire, ces évangiles, et l’enseignement qu’ils constituent est un témoignage de Connaissance indiscutable. On a situé le Messie de la Révélation nouvelle à la date d’avènement du nouvel Eon (la nouvelle ère des Poissons). On l’a entouré de douze apôtres, comme il convenait au Christ solaire (Horien) émergeant du monde lunaire (Moïsiaque-Osirien) d’Israël.L’aspect exotérique initial de la prédication évangélique a donné un élan mystique dont la répercussion a fait de Jésus-Christ le Seigneur de l’ère des Poissons. Son aspect ésotérique, trop souvent étouffé par les théologiens, inspira les Maîtres d’œuvre des cathédrales et des Sages philosophes du Moyen Age. L’exactitude de son symbolisme situe le christianisme comme la Révélation légitime succédant aux Révélations précédentes : la Révélation égyptienne, dont l’aspect horien était le prélude christique, et la Révélation moïsiaque héritage de l’Egypte osirienne. Tout cela est suffisant, je crois, pour que je n’aie pas besoin de chercher une réalité historique, impossible d’ailleurs à établir avec certitude ! Que je croie, quant à moi, à l’existence humaine du Maître de Sagesse dont l’accomplissement spirituel a fait un «Médiateur», ceci n’importe pas, ni pour vous ni pour moi, car aucune conviction, si forte soit-elle, n’éveillera la Révélation intérieure de la valeur «en soi» de la Réalité christique. Et cette Révélation est indépendante de toute contingence historique. C’est une Réalité vitale, parce qu’elle est inhérente à la destinée surhumaine de notre Humanité et que pour tout homme qui attire en lui, tant soit peu, les deux éléments de son âme divine, elle devient Réalité vivante, comme est réalité vivante, pour la graine en état de germination, l’état de plante accomplie qui devra en sortir. L’erreur, pour l’être humain, est de se croire «achevé» lorsqu’il est parvenu à sa maturité physique et intellectuelle, alors que seul est alors achevé le support périssable de l’être impérissable qui voulait s’épanouir en lui. Cet être impérissable est le germe christique, le notre, le votre, le mien, puisqu’il est (par notre Nombre-Entité) notre identité spirituelle ? C’est aussi, cependant, celui qui fait l’objet du drame évangélique…Vous ne parlez pas ici de Jésus, mais de Christ, devenu, par Jésus, Principe cosmique ? Mais alors peut-on attribuer le Principe christique aux réalisations identiques, par exemple au Principe horien ou à ce qui fut réalisé par Bouddha ?Vous commettez plusieurs erreurs, ce qui est Universel ne peut être limité par le particulier ; d’autre part si vous personnifiez Jésus vous ne pouvez pas dire que le Christ est devenu, par lui, Principe cosmique. Mais le Principe Christ « a pu » s’incarner en Jésus qui, ensuite, a pu se «Christifier» lui-même par élimination de tout ce qui n’était pas Christ en lui.Dans ce sens il est évident que cette Réalisation peut se nommer horienne, ou bouddhique, ou de tout autre nom que peuvent lui donner les plus hautes mystiques.La signification étymologique du mot «Christ» est «oint» ou «onction». En principe l’onction sacramentelle a pour but « d’oindre d’Esprit », par l’intermédiaire d’une substance quintessenciée dont la qualité subtile fait un porteur pénétrant pour la «grâce» dont on l’a imprégnée.L’ «Oint du Seigneur» est celui qui est pénétré par «le Seigneur». L’homme qui a intégré son âme divine est «oint de son propre Seigneur».En réalité, dans l’onction sacramentelle, Christ est «l’efficace» de l’onction ; ainsi l’on pourrait dire que le Principe Christ est la Quintessence manifestable du Divin.J’entrevois mon erreur : elle provenait d’une confusion entre la personne de Jésus et le Principe abstrait du Christ ; mais pour éviter cette erreur ne pourrais-je donner à ce Principe abstrait un des noms qui lui sont attribués par une autre mystique ?Je ne vous comprends pas : le mot Christ définit suffisamment les deux aspects de cette divine Réalité, qui, contrairement à votre assertion, n’est pas une abstraction. Si vous le prenez dans le sens d’ «onction» sa signification ésotérique se rapporte à la réalité positive des pouvoirs spirituels et (dans le meilleur sens du mot) magiques, affirmés par cette parole du Christ accompli : «Toute puissance a été donnée au Ciel et sur la Terre.» Si vous le prenez dans le sens de Médiateur entre l’Homme et le Père, parce que, Conscience totalisée et universalisée, Christ participe en même temps de l’Humain et du Divin, c’est aussi une Réalité positive, car cet état médiateur est le moyen de rédemption pour tous ceux qui suivent les étapes de cette transcendance. Et ce que je viens d’expliquer peut paraître une fastidieuse répétition… Mais si vous m’accordez votre attention vous y percevrez peut-être un point de vue inattendu. Saint Paul, dans son épître aux Hébreux, se sert du symbole biblique de Melchisédech pour enseigner la différence entre l’action extraordinaire et transcendante de la Puissance christique. Il souligne d’abord qu’il ne faut pas entendre par Melchisédech un homme mortel, mais le Principe d’animation perpétuelle : «Melchisédech… sans père, sans mère, sans généalogie, n’ayant ni commencement de jours ni fin de vie, étant ainsi semblable au Fils de Dieu, il demeure sacrificateur pour toujours.» (Paul aux Hébreux, 7, 3)Ensuite il met en parallèle le sacrifice perpétuel de Melchisédech (l’incarnation continuelle du Verbe-Esprit dans toute la Nature) et le sacrifice exceptionnel du Christ dont la qualité transmutatrice peut transcender ce que le premier sacrifice ne pouvait qu’animer. Pour éviter une interprétation matérielle de ces «sacrifices», Paul les différencie d’avec les sacrifices rituels d’animaux du sacerdoce lévitique («selon l’ordre d’Aaron»), qui étaient ordonnés par l’Ancienne Alliance, «dont la Loi, dit-il, ne pouvait rien amener à la perfection» (Paul aux Hébreux, 7, 19). Entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliance Paul situe Jésus, dans son état imparfait et passible de tentation, comme le précurseur du Christ qu’il doit devenir, et comme tel appartenant encore à «l’ordre de Melchisédech». Or, remarquez que Melchisédech correspond à Osiris, dont le continuel sacrifice de réanimation cause tous les renouvellements de la Nature. Ce rôle osirien est, dans le symbolisme biblique, celui de l’Ancienne Alliance, de «l’Ancien Testament», c’est-à-dire de la Loi commune, qui n’est «qu’une image et une ombre des choses célestes» (Paul aux Hébreux, 8, 5). Non seulement Paul répudie cette voie imparfaite, mais, pour les disciples de la perfection christique, il rejette même les « premiers principes de la doctrine de Christ… savoir : la repentance des œuvres mortes, et la foi en Dieu, la doctrine des baptêmes… la résurrection des morts et le jugement éternel » (Paul aux Hébreux, 6, 1-2).Comment se fait-il que Paul, ce pilier de l’Eglise, renie ces premières bases de sa fondation ?Il ne les renie pas, mais par rapport à la voie d’accomplissement christique dont il se fait l’apôtre, il les situe comme moyens préliminaires vers lesquels «il ne faut plus rétrograder» si l’on veut parvenir à l’état supérieur. Son insistance offre le grand intérêt de montrer clairement les trois étapes de l’œuvre de «christification» : Premièrement l’état «précurseur» de Jésus, encore assez imparfait pour redouter la mort (Hébreux, 5, 7) ; Ensuite les premières étapes de sa re-naissance spirituelle où il se situe «hors du monde» (tout en vivant dans ce Monde) et «uni au Père» avec ceux de ses disciples qui ne sont pas non plus «de ce Monde» ; Enfin l’accomplissement total de l’état christique, qui lui donne «toute puissance au Ciel et sur la Terre», et lui permet d’affirmer la permanence de sa Présence jusqu’à la fin du Monde terrestre. N’oubliez pas que Paul, ce «pilier de l’Eglise», s’opposa formellement à l’autre «pilier», Pierre, dont la prédication se basait précisément sur les premiers Préceptes. Paul va jusqu’à dire qu’il le reprocha publiquement à Pierre comme «ne marchant pas de pied droit selon la vérité de l’Evangile» (Paul aux Galates, 2, 14). Il affirme nettement son indépendance vis-à-vis de l’enseignement de Pierre ; il se déclare illuminé directement par le Christ dont il prêche la voie de perfection. Or, malgré les divergences qui séparent Pierre et Paul, l’Eglise les associe «comme les deux fondements sur lesquels elle est solidement établie». C’est qu’en effet leurs divergences caractérisent les deux voies représentées par ces deux apôtres. La première, celle de Pierre, est la voie préliminaire qui s’appuie sur l’observance des doctrines et des préceptes ; elle emploie les moyens sacramentels de purification, tels que baptême et pénitence (confession). C’est la voir de «la Loi», la voie commune, accessible au grand nombre des adhérents de la doctrine chrétienne, la voie du «troupeau» parce qu’elle remplace la responsabilité personnelle par la soumission au «berger» responsable et remplace aussi la Connaissance individuelle (acquise par l’illumination de la Conscience) par l’adhésion aux dogmes imposés. La deuxième voie, celle de Paul, est la voie de «Réalisation christique». Cette Réalisation ne s’opère ni par les rites ni par les préceptes et les dogmes, mais par l’action directe de la «grâce», c’est-à-dire de l’âme et de l’Esprit dont la réintégration consciente ouvre à l’être humain l’accès du surhumain. Cette ouverture peut être progressive ou subite comme celle de Paul sur le chemin de Damas. De toutes manières elle présuppose une «prédestination» ou, comme le dit Paul, une sanctification préalable. Mais ne voyez pas dans cette prédestination un favoritisme de la Destinée, un «choix» déterminé par une prédilection divine : les mots «choix, «élection», «prédestination» expriment la conséquence d’une disposition préalablement acquise à travers les épreuves de l’existence actuelle, ou partiellement réalisée dans une précédente incarnation. Cette disposition est positivement la soumission de la «Conscience Humaine» aux directives de son âme divine (le Témoin permanent) qui peut alors l’éclairer progressivement.En somme, l’existence de ces deux voies rend la religion chrétienne accessible au «Grand Nombre» comme au «Petit Nombre», la sélection rigoureuse de Paul ne concernant que les adeptes de la voie parfaite.C’est exact : l’apostolat chrétien s’adresse à la foule aussi bien qu’à l’individu affirmant comme article de foi que la réception du baptême fait de n’importe quel être humain un chrétien. Ce n’est là, cependant, qu’une adoption, qui offre au baptisé la participation aux bénéfices spirituels du culte, rituel et sacramentel, moyens classés par Paul comme préceptes préliminaires et non comme moyens efficaces de réalisation christique. Les faits sont là pour lui donner raison ; dans la multitude des baptisés, bien rares sont ceux qui ne s’endorment pas dans la sécurité illusoire des observances imposées, perdant ainsi de vue le but essentiel de leur existence : intégrer leur être immortel dans leur personnage mortel. Or cette intégration est une œuvre strictement individuelle qui exige, pour chacun, la libre intervention de sa conscience divine (son Témoin permanent), en dehors de toute contrainte doctrinaire et sous sa propre responsabilité.A quoi donc alors peut servir la voie préliminaire des cultes et des dogmes ?Elle sert à « préparer le chemin du Seigneur » (St Jean-Baptiste dans Matthieu, 3), elle éveille en la Conscience Humaine le sens des relations entre le Divin et l’Humain.Attention, qui dit «relations» suppose un état de séparation entre ce que l’on veut relier.C’est exact, mais on peut vous répondre que la masse humaine, sous l’influence du mental, ne peut concevoir le Divin qu’en face de l’Humain. Or, la voie de Pierre s’adresse à la masse… Son but religieux est susciter le désir d’approcher la Divinité ; son procédé est d’imposer aux hommes la pensée du salut par l’intervention de la religion dans toutes les circonstances de leur existence (le salut étant conditionné par l’obéissance aux lois de l’Eglise). Son but ecclésiastique est d’attirer le plus grand nombre possible de « pécheurs à sauver ». C’est le filet de Pierre, le filet du pêcheur, qui entraîne sans discrimination toutes espèces de poissons, mais parfois aussi quelques spécimens d’exception. N’oublie pas que l’anneau du chef de l’Eglise est l’anneau du pêcheur…La voie de Pierre est la voie humaine.La voie de Paul conduit au dépassement de l’Humain.Son programme n’est-il pas celui des monastères chrétiens ?C’est, en principe, le but des règles monastiques ; mais dans l’application, l’emprise des dogmes et l’obéissance absolue au Supérieur du monastère empêchent la libre expression du Témoin permanent.Si la voie de saint Paul conduit au surhumain, comment qualifiez-vous celle de Jean ?La raison de mon silence est la même que celle de l’Eglise qui situe l’évangile de Jean en dehors de la Messe (lorsque l’office est terminé). C’est en effet une autre voie, un autre enseignement. Remarquez d’abord que la Cène eucharistique, comportant la rupture du pain et sa consécration, n’existe pas dans l’évangile de Jean qui, au lieu et place de la Cène, donne la grande prière sacerdotale où Jésus affirme l’Union indéfectible du Fils avec le Père et avec les hommes «venus du Père». Remarquez encore que son récit de la Passion ne relate aucun des trois faits qui, dans les autres évangiles, caractérisent la séparation de l’âme et de l’Esprit : l’angoisse de l’agonie, les deux paroles de Jésus crucifié : «Elie, Elie, pourquoi m’as-tu abandonné» et «Père je remets mon esprit entre tes mains». L’évangile de Jean se limite à ce qui confirme sa voie. Sa voie n’est pas l’effort humain du retour du pécheur vers Dieu (voie de Pierre) ; ce n’est pas l’effort surhumain de donner pleins pouvoirs à ses deux Témoins réintégrés (voie de Paul), c’est l’état divin de l’Union, virginale parce que jamais violée, état d’Amour absolu où le Divin absorbe et transmue sans cesse l’Humain, sans effort et sans volonté personnelle. La voie de Paul enseigne à forme Christ en soi, comme Jésus a formé Christ en lui. Cette formation consiste à réunir dans l’être humain ses deux éléments divins, dont la conjonction sera la «Réalisation christique» ;La voie de Jean n’a pas à réintégrer ce qui n’était pas séparé : c’est l’identification du Logos et du Père dès le commencement ; c’est la même identification dans les hommes «nés de Dieu», c’est-à-dire dont l’être immortel s’est incarné totalement dès leur naissance. Tout chez Jean est identification, sans aucune séparation, pas même de différenciation ni de comparaison ; tandis que Paul compare et différencie la voie de Pierre et la voie de la perfection. Jean ne compare pas : il se contente de prêcher le commandement unique de la Puissance Amour, seule capable de réaliser sans désunion le miracle de l’Unité.Vues sous cet angle, les divergences prennent un caractère intentionnel très cohérent… et le sens initiatique du Christ atteint une envergure insoupçonnée.Nous pouvons le préciser davantage si nous osons quitter l’aspect sentimental qui réduit le rôle de Jésus-Christ à la mesure de notre conception humaine : Si nous considérons l’incarnation de l’Esprit (le Verbe divin) comme la Cause créatrice de toute la Nature, Si nous concevons les «âmes-Entités» incarnées comme étant la manifestation humaine de multiples expressions du Divin, Si nous voyons leur incarnation comme leur initiation à la Conscience de l’Anthropocosme, Si nous regardons les mésaventures de leurs avatars comme l’éducation (bonne ou mauvaise) de la «Conscience Humaine» que chaque âme divine s’efforce d’éclairer : Alors nous pourrons concevoir l’œuvre Cosmique comme la répétition continuelle de l’Action et de la Passion du verbe, incarné dans la Matière. Nous l’y verrons éveillant successivement tous les aspects de la conscience fonctionnelle à travers les règnes de la Nature, subissant finalement, dans le règne humain, la persécution du Mental dualisant. Ceci est l’œuvre du Devenir naturel, terrestre, humain, osirien, dont l’effrayante pérennité ne peut être vaincue que par l’œuvre surhumaine de la « christification » progressive. Les Sages égyptiens appelaient cette œuvre surhumaine « l’œuvre solaire », ou horienne. Leurs héritiers chrétiens l’ont appelée « la voie du Christ », et l’on peut dire que tout homme qui incarne progressivement son Entité immortelle est de la race christique, et participe au développement du Principe christique dans l’Humanité terrestre.Le Christ n’est-il pas en Lui-même sa perfection ? Qui donc pourrait encore participer à son accomplissement ?Combien il est difficile à l’homme personnel de concevoir l’impersonnel ! Essayez donc d’y parvenir en regardant un cas individuel : Un homme qui commence à réaliser l’union de ses deux témoins devient déjà un Soleil spirituel, et son rayonnement est proportionnel à son impersonnalité. S’il parvient à éliminer ses volontés divergentes, et si sa Conscience Humaine s’identifie à celle du Témoin permanent, il participe à l’Harmonie divine (la «Volonté du Père») sans pour cela rien perdre des qualités propres à son Nombre-Entité : c’est au contraire un enrichissement de sa Conscience à travers la «passion» de son existence humaine. Or, le superlatif de cette réalisation est l’état christique, c’est-à-dire la «christification» de ce qui incarne le Verbe, qui subit la passion de ses avatars terrestres, qui y devient conscient de toutes consciences et «fort de toutes forces», ayant dans cette «passion» acquis la puissance des Forces inférieures… Et cet «état christique» est capable d’attirer et de transcender tout ce qui suit le même mouvement d’expansion anti-égoïste, et son aboutissement est le «retour à la droite du Père», c’est-à-dire le retour conscient à la Source divine. Faites attention, en m’exprimant ainsi j’ai parlé aussi bien du Verbe et du Christ dans le sens Universel que dans le sens de sur-accomplissement de l’Homme régénéré. Mais sachez aussi que, dans les deux cas, je parle d’une Réalité effective, expérimentalement véridique. Dans les deux cas je parle d’un état divin, conscient de toute conscience, où se dissolvent toutes les particularités opposantes, et qui, considéré dans notre Humanité, entraîne et unifie tous ceux qui brisent leurs chaînes pour entrer dans le sur-humain.L’état dont vous parlez est un état de perfection : comment peut-on en imaginer la possibilité pour l’être imparfait qu’est notre personne mortelle ?Cet être imparfait n’est que le support, la carcasse, de notre Entité spirituelle. C’est à cette Entité qu’appartiennent la nature divine et les possibilités sur-naturelles qui en découlent ; mai le rapport entre les deux c’est la «Conscience Humaine», qui est la fixation de l’expérience acquise par la personne mortelle.La Conscience Humaine est l’empreinte vivante des multiples impressions fixées par l’expérience complexe de l’existence. Elle en est la réflection.Vous voulez dire le miroir ?Non, car le miroir est ce qui reflète, tandis que la Conscience Humaine est faite de cette réflection ; déplacez un miroir : il ne reflétera plus les mêmes images ; or, la Conscience Humaine garde les impressions, jusqu’à ce qu’elles soient modifiées ou remplacées par d’autres, vitalement plus profondes. C’est pourquoi elle est rectifiable et perfectible. Le sommet de sa perfection sera son identification ave la Conscience divine de l’Homme, son Témoin permanent, dont elle attire la Présence par son désir intense d’être éclairée par lui. Ce confondement est une étape de la christification, dont l’accomplissement est la conjonction du «Divin humanisé» (le Témoin permanent) avec le «Divin Universel» (le Témoin spirituel). Or, vous rendez-vous compte que cet accomplissement n’est pas seulement un acquis personnel, mais qu’il affecte et enrichit tous les individus qui sont eux-mêmes en voie de le réaliser ? Et je ne parle pas ici de l’inter échange individuel entre des êtres qui «rayonnent» leur spiritualité : je parle de leur coopération à l’accroissement d’intensité d’une sphère spirituelle qui «nourrit» et transcende les êtres humains doués d’une aspiration identique. Si vous pouviez vous délivrer de l’obsession mentale du Temps et de l’Espace, vous deviendrez conscients de cette sphère de Puissance dont une image concrète nous est donnée dans les règnes inférieurs de la nature : Si par exemple nous parlons du monde, ou règne, végétal, nous entendons tout ce qui, sur Terre, est de nature végétale et subit les lois de ce règne, tant pour les conditions physiques de sa croissance que pour les influences des astres qui en régissent le cours. Or, ces influences célestes suscitent dans tous les sujets d’une même espèce les mêmes réactions (compte tenu des modifications causées par la région), c’est-à-dire que ces influx animateurs enveloppent notre globe d’une atmosphère vitalisante où tous les végétaux communient en captant, chacun selon son espèce, l’influx correspondant à ses aspirations. J’ai choisi comme exemple le règne végétal pour le contrôle facile de sa docilité aux incitations des astres et des saisons. Faites vous-mêmes l’effort de transposer ceci dans l’état transcendant du règne surhumain : peut-être alors pourrez-vous percevoir la réalité d’une «atmosphère» d’ordre spirituel, sphère d’influence non plus astrale, mais divine, à laquelle nous coopérons par notre effort de «dépassement» en même temps que nous participons à la Puissance régénératrice qu’elle engendre par le fait même de cette communion.Si vraiment l’homme pouvait compter sur un tel espoir…C’est n’est pas un espoir, c’est une certitude ! Notre Maître ne nous prêche pas des «efforts vertueux» en faisant miroiter un paradis hypothétique : il nous montre une Loi, immanente à un état d’être qui, si je l’ai compris, est le Règne d’accomplissement qui nous attend…… règne ou état d’être qui est déjà le tien si ton Entité divine t’habite.Ne comprenez-vous pas le caractère impératif de la loi d’attraction qui entraîne dans le même courant tout ce qui est régi par les mêmes aspirations ? De même que dans la genèse d’un œuf ou d’une nébuleuse, tous les éléments qui participent à leur formation participent aussi aux multiples courants vitaux engendrés par le centre causal de cette genèse ; de même (et à plus forte raison) dans le Grand Œuvre de christification, une coopération continue s’établit entre tout être humain qui forme en lui son propre Christ et le Centre prototype de cette perfection.Car ce centre est la plus haute Puissance salvatrice émergeant de la Nature dualisée : c’est le Soleil christique, dont la vertu transmutatrice est le ferment de re-naissance pour le Monde Divin.
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